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Avec l'aimable autorisation de l'auteur de ces publications Mr Olivier ESSLINGER auquel j'adresse mes  sincères remerciements


Les trous noirs

La vitesse de libération de la Terre est définie comme la vitesse initiale qu'un corps doit posséder afin de pouvoir échapper à l'attraction gravitationnelle de notre planète. Elle est d'environ 11 kilomètres par seconde. Ainsi, pour envoyer une sonde vers une autre planète, il est nécessaire de la lancer au moins avec cette vitesse. Sinon, l'engin ne peut pas s'échapper, soit il retombe sur Terre, soit il se retrouve en orbite autour de notre planète tel un satellite. On peut de la même façon définir une vitesse de libération pour n'importe quel corps céleste, en particulier une étoile. Par exemple, pour le Soleil, elle est de 620 kilomètres par seconde.

Comme nous l'avons vu, lorsqu'une étoile massive arrive en fin de vie, elle s'effondre sur elle-même. La gravité à sa surface augmente alors fortement et il est de plus en plus difficile de lui échapper. La vitesse de libération de l'étoile devient donc de plus en plus grande. Mais cela continue-t-il indéfiniment ? C'est là le problème que Pierre Simon de Laplace fut le premier à considérer, à la fin du XVIIIe siècle. Que se passe-t-il si la vitesse de libération d'un corps est si grande qu'elle atteint celle de la lumière ?

Trou noir
Le trou noir XTE J1550-564 observé par l'observatoire dans les rayons X Chandra. Ce trou noir fait partie d'un système binaire et sa compagne, une étoile ordinaire, perd peu à peu son gaz qui vient former un disque autour du trou noir. Ce gaz est chauffé par friction, atteint des températures de plusieurs millions de degrés et va périodiquement émettre des jets de particules très énergétiques perpendiculairement au disque. Ces trois images prises en août 2000, mars et juin 2002 montrent le trou noir au centre et deux jets de particules qui s'éloignent à la moitié de la vitesse de la lumière.

La fin des étoiles les plus massives

Pour l'astronomie moderne, un tel corps n'est plus du domaine de la spéculation, mais de celui de la réalité. Nous avons vu que les naines blanches ont une masse nécessairement inférieure à 1,4 fois celle du Soleil. De la même façon, les étoiles à neutrons ne peuvent pas être constituées d'une quantité arbitraire de matière. La pression de dégénérescence des neutrons n'est capable de supporter qu'un corps de moins de trois masses solaires. Or, il n'y a pas de raison qu'un résidu stellaire ne puisse dépasser cette limite. L'étude des différents processus de perte de matière montre qu'une étoile de masse supérieure à 40 fois celle du Soleil conduit, après l'explosion finale, à un résidu dont la masse est supérieure à cette limite.

Dans ce cas, lors de l'effondrement final, les neutrons sont incapables de résister à la force de gravitation. Le résidu ne s'arrête pas au stade d'étoile à neutrons mais continue de s'effondrer. Lorsque sa taille atteint la vingtaine de kilomètres, la densité et la gravité de l'étoile atteignent des valeurs si grandes que la vitesse de libération atteint effectivement celle de la lumière.

Evidemment, dans ces conditions extrêmes, la physique de Newton ne donne pas de résultats fiables. Il faut faire appel à la relativité générale pour décrire l'astre qui se forme. La théorie d'Einstein montre alors que la déformation de l'espace-temps autour du résidu est telle que rien, pas même la lumière, ne peut plus s'échapper. L'étoile est désormais impossible à observer, elle ne se manifeste plus que par d'intenses perturbations de l'espace-temps dans son voisinage. L'étoile est devenue un trou noir.

La disparition se produit au moment où le rayon de l'étoile atteint une valeur critique, le rayon de Schwarzschild, qui est fonction de la masse de l'étoile. Ce rayon définit en quelque sorte la surface du trou noir. Il correspond à la distance à laquelle la lumière n'est plus capable de s'échapper et où la communication avec notre univers devient impossible. Le résidu stellaire quant à lui, une fois le rayon de Schwarzschild dépassé, continue à se contracter jusqu'à finalement atteindre un état de densité infinie, une singularité, où l'espace et le temps sont infiniment distordus.

 

Autour d'un trou noir

Reprenons l'image d'un tissu élastique comme représentation de l'espace en relativité. Le trou noir correspond alors à une bille si lourde qu'elle s'enfonce profondément dans le tissu jusqu'à disparaître. La bille est désormais invisible et uniquement détectable par la présence d'un trou dans le tissu élastique. De la même façon, il est impossible de voir un trou noir, mais on peut le deviner par la présence d'une importante distorsion de l'espace et du temps dans son voisinage.

Distorsion de l'espace-temps

Les propriétés les plus étonnantes sont celles qui concernent la distorsion du temps près d'un trou noir. Comme nous l'avons vu, le temps s'écoule plus lentement dans un champ gravitationnel fort. C'est dans le cas extrême d'un trou noir que ce genre d'effet est particulièrement spectaculaire. Imaginez-vous en train d'observer au loin un ami suffisamment intrépide pour vouloir plonger dans un trou noir. Au fur et à mesure qu'il va s'approcher de celui-ci, vous verrez sa montre tourner de plus en plus lentement. Le déplacement de l'aiguille correspondant à une seconde prendra de plus en plus de temps, une minute, une heure, une journée. Au moment où il atteindra le rayon de Schwarzschild, ce mouvement prendra un temps infini. L'image de votre ami restera figée pour l'éternité.

Pour lui, par contre, la situation sera inversée. Quand il lira l'heure sur sa montre, il ne remarquera rien de spécial. Mais c'est en regardant la vôtre qu'il sera surpris. Il verra tourner l'aiguille de plus en plus rapidement, un tour sera accompli en une seconde, une milliseconde, une microseconde. Il observera bientôt la vie des étoiles se dérouler en une fraction de seconde, puis, en atteignant finalement le rayon de Schwarzschild, il pourra observer toute l'histoire future de notre univers. Il n'est pas utile de préciser qu'il n'y a pas de billet retour pour un tel voyage. La frontière définie par le rayon de Schwarzschild ne laisse passer que dans un sens.

La description ci-dessus n'est pas tout à fait correcte. Un trou noir vu de l'extérieur n'est pas une collection d'images d'astronautes terrifiés. En fait, un autre effet vient se superposer à la décélération du temps. Comme nous l'avons vu, la lumière est affectée par la présence de la gravité à travers l'effet Einstein. Plus le champ gravitationnel de l'astre est fort, plus les photons qui s'en échappent sont affaiblis et décalés vers de plus grandes longueurs d'onde. Ainsi lorsque votre ami se rapproche du rayon de Schwarzschild, les photons constituant son image deviennent moins énergétiques. Ils sont d'abord décalés vers le rouge, puis sortent du domaine visible. Son image, au lieu de rester suspendue, va peu à peu disparaître et laisser place à un noir plus caractéristique de l'objet central.

Notons un dernier effet qui va se révéler dramatique, l'entrée en jeu des forces de marée. En effet, il est peu probable que votre ami ait le loisir de vous observer très longtemps. L'intensité du champ gravitationnel est énorme, mais ses variations avec la distance le sont également. Imaginons que votre ami tombe les pieds en premier vers le trou noir. Le champ de gravité, qui diminue avec la distance, sera plus fort au niveau des pieds qu'au niveau de la tête. Cela signifie que les pieds de votre ami seront plus accélérés que sa tête. Par conséquent, son corps va être étiré dans le sens de la longueur, d'abord légèrement puis de plus en plus fort, avec les conséquences fatales que l'on peut craindre.

Mort d'une étoile
Vue d'artiste de la mort d'une étoile qui se rapprocherait trop d'un trou noir. Les forces de marée produites par le trou noir sont capables de déformer l'étoile jusqu'à ce qu'elle se désagrège et libère le gaz qui la composait. Ce phénomène n'est pas purement théorique, il a été observé dans les rayons X par les satellites XMM et Chandra en 2004 au centre de la galaxie RXJ1242-11.

Les trous noirs en rotation

D'autres phénomènes fascinants se produisent lorsque le trou noir est en rotation, ce qui est probablement le cas la plupart du temps. La solution des équations de la relativité générale dans ce cas n'a été trouvée que dans les années 1960, une preuve de plus de la complexité des équations d'Einstein. L'une des caractéristiques de ce cas est que la singularité centrale n'est plus ponctuelle mais prend la forme d'un anneau. Une autre est l'effet d'entraînement sur l'espace-temps.

En effet, l'influence du trou noir sur la géométrie de l'espace-temps est très forte. La rotation de l'astre doit donc se répercuter sur cette géométrie, mais également sur le mouvement des corps passant à proximité. Ainsi, un observateur immobile à proximité de l'astre va se mettre à légèrement dériver dans le sens de la rotation. Il peut très facilement contrer ce mouvement en se déplaçant lui-même. Mais en se rapprochant du trou noir, il va entrer dans une région, appelée l'ergosphère, dans laquelle il est impossible de rester au repos. Malgré ses efforts pour résister, notre observateur va être entraîné par la rotation de l'espace-temps, un peu comme un bateau qui se serait trop approché d'un tourbillon. Cela ne signifie pas pour autant qu'il aille tomber dans le trou noir. L'ergosphère est une région dont on peut s'échapper, à condition toutefois de prendre garde de ne pas atteindre le rayon de Schwartzschild.

Trou noir et information

Notons encore une propriété remarquable des trous noirs. Contrairement à tous les autres corps de l'univers, ces astres peuvent être complètement décrits à l'aide d'un très petit nombre de paramètres. Il suffit de connaître leur masse, leur moment angulaire, qui caractérise la rotation, et leur charge électrique. Cette simplicité est à comparer avec une description complète d'une étoile normale qui devrait prendre en compte toutes les particules mises en jeu, leur nature, leur position ou leur énergie, et nécessiterait ainsi un nombre invraisemblable de données. Au contraire, toute l'information sur un trou noir est contenue dans trois paramètres. La raison en est simple : lorsque l'étoile s'écroule sur elle-même, toute l'information sur ses particules disparaît à l'intérieur du rayon de Schwartzschild. Elle est donc perdue pour le monde extérieur. Le trou noir apparaît alors comme une simple déformation de l'espace-temps, que trois nombres suffisent à définir.

 

L'observation des trous noirs

Le trou noir est probablement l'astre le plus étrange que la physique ait révélé. La question suivante est donc bien légitime : un tel objet existe-t-il vraiment ou bien ne s'agit-il que du produit de l'imagination débridée des théoriciens ? Répondre à cette question pose une difficulté de fond puisque, par définition, un trou noir est invisible car aucun rayonnement ne peut en échapper. Il est par conséquent impossible d'obtenir une preuve définitive, par exemple une photographie directe.

La solution va consister à essayer de détecter la présence d'un trou noir indirectement, par les effets qu'il produit sur un autre corps. Comme nous l'avons vu, de très nombreuses étoiles ne sont pas isolées, mais font partie de couples stellaires. Lorsque l'un des membres d'une binaire est une naine blanche ou une étoile à neutrons, un transfert de masse peut se mettre en place et produire des phénomènes comme les novae ou les supernovae. Si l'une des étoiles est un trou noir, des processus similaires peuvent se produire, de la masse est transférée, un disque d'accrétion se forme, les températures atteignent des valeurs extrêmes et de grandes quantités de rayons X sont émises. Ceci nous fournit un moyen de détecter de possibles trous noirs. Il suffit tout simplement de trouver des sources de rayons X dans des étoiles binaires.

Le problème, évidemment, réside dans le fait que les étoiles à neutrons peuvent également produire des rayons X en grand nombre. Il est donc crucial de pouvoir déterminer si une source est bel et bien un trou noir. Un moyen simple pour cela est d'arriver à déterminer la masse du corps qui émet les rayons X. En effet, l'étude théorique des étoiles à neutrons a montré que la masse maximale possible était d'environ trois fois celle du Soleil. Ainsi, si une source de rayons X se révèle posséder plus de trois masses solaires, il est légitime de penser qu'il ne s'agit pas d'une étoile à neutrons, mais bien d'un trou noir.

Cygnus X-1

Le premier candidat fut découvert au début des années 1970 par le satellite Uhuru observant dans les rayons X. Celui-ci détecta dans la constellation du Cygne une source très intense à laquelle on donna le nom de Cygnus X-1. En plus de sa puissance, le rayonnement de cet objet avait la particularité de présenter des variations extrêmement rapides, parfois en des temps de quelques millisecondes.

Cygnus X-1
Le trou noir présumé Cygnus X-1 observé en 2002 dans les rayons X par le satellite européen Integral. Cygnus X-1 semble très isolé sur cette image car les étoiles proches sont toutes normales et n'émettent pas dans ce domaine de longueur d'onde. Cygnus X-1 n'est pas un corps isolé mais fait partie d'un système double avec une supergéante bleue appelée HDE 226868. C'est le gaz arraché de cette supergéante qui émet des rayons X en allant se perdre dans le trou noir.

Ces fluctuations très rapides montraient que la source devait être très petite. En effet, pour qu'un processus fasse varier la luminosité d'un corps de façon notable, il doit affecter l'objet globalement. Ceci signifie qu'il y a nécessairement un échange d'information entre toutes les parties du corps. Or, ces échanges ne se font pas instantanément, mais au mieux à la vitesse de la lumière, comme nous l'apprend la relativité. Si la lumière met une année pour traverser un corps, celui-ci ne peut pas présenter des variations notables à l'échelle d'une journée. Ainsi, les fluctuations très rapides de l'intensité de Cygnus X-1 prouvaient que cet objet devait être très petit, avec une taille de l'ordre de quelques centaines de kilomètres.

Mais les observations X ne permirent pas de déterminer précisément la position de Cygnus X-1. Il fallut attendre 1972 pour que les radioastronomes y parviennent. Il apparut alors que la source Cygnus X-1 devait être liée, d'une façon ou d'une autre, à une étoile normale située à 6 000 années-lumière, HDE226868, qui ne pouvait pas être elle-même la source des rayons X. L'analyse spectrale de l'étoile révéla un va-et-vient périodique des raies de l'étoile, qui montrait qu'elle devait être en orbite autour d'un autre objet. La conclusion était simple. HDE226868 avait un compagnon, Cygnus X-1, trop peu lumineux pour être observable dans le visible, mais qui attirait la matière de l'étoile et était en conséquence une source de rayons X.

Ce compagnon était-il un trou noir ou une étoile à neutrons ? Grâce à la relation entre masse et luminosité des étoiles, les astrophysiciens savaient que l'étoile HDE226868, de type B, possédait 30 masses solaires. Ils connaissaient également, grâce à l'analyse du déplacement des raies, le mouvement de cette étoile. A partir de ces données, ils étaient en mesure de déterminer la masse requise pour faire effectuer à une étoile de 30 masses solaires un tel mouvement. Le résultat était que Cygnus X-1 devait être un corps d'environ 10 masses solaires, ce qui était clairement au-dessus de la masse limite pour les étoiles à neutrons.

Cygnus X-1 est donc très probablement un trou noir. Sa masse, sa petite taille et la puissance de son rayonnement X semblent le montrer. Il faut noter cependant que cela n'est pas absolument sûr. Il reste des incertitudes dans le calcul de la masse de l'objet. Si le monde est vraiment mal fait et si toutes les erreurs vont dans le même sens, il se peut que Cygnus X-1 n'ait que trois masses solaires et soit donc simplement une étoile à neutrons. Cela est néanmoins très improbable.

D'autres candidats

Depuis Cygnus X-1, d'autres candidats au titre de trou noir ont été découverts. Ils présentent tous les mêmes caractéristiques, des émissions X intenses, rapidement variables, et une masse supérieure à trois fois celle du Soleil. On peut citer par exemple A0620-00 dans la constellation de la Licorne, LMC X-1 et LMC X-3 dans le Grand Nuage de Magellan ou V404 Cygni dans la constellation du Cygne. Ce dernier exemple est probablement le plus convaincant, puisque la masse minimale de l'objet, en tenant compte de toutes les incertitudes, est de six masses solaires, soit deux fois la masse maximale des étoiles à neutrons.

Enfin, nous verrons plus tard qu'il existe une autre forme de trous noirs, une version beaucoup plus massive que l'on retrouve au centre des galaxies et qui peut atteindre plusieurs milliards de masses solaires. Des observations de nature différente ont établi avec une quasi-certitude l'existence de ces trous noirs supermassifs. Ce résultat est évidemment un argument de plus en faveur de la possibilité de trous noirs formés à partir de résidus d'étoiles

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Evolution stellaire

Evolution stellaire
Les six types possibles d'évolution stellaire.

Le diagramme ci-dessus résume les six différents types d'évolution stellaire, selon la masse initiale de la protoétoile :

Protoétoile - Supergéante bleue - Trou noir

Protoétoile - Supergéante bleue - Supernova et trou noir

Protoétoile - Supergéante bleue - Supergéante rouge - Supernova et étoile à neutrons

Protoétoile - Etoile de type solaire - Géante rouge - Nébuleuse planétaire - Naine blanche

Protoétoile - Naine rouge - Naine blanche

Protoétoile - Naine brune

 

 

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